Pendant une vingtaine d’années, Plein Sud a rivalisé avec les plus grandes marques de prêt-à-porter de luxe. Des publicités en papier glacé, aux éditos des magazines les plus en vue en passant par des boutiques aux quatre coins du monde, la marque était présente sur tous les fronts. Décryptage d’une ascension… encore actuelle.
Une marque à la croisée des mondes
Plein Sud voit le jour en 1984, sous l’impulsion de Fayçal Amor, un créateur à l’identité plurielle. Né à Tanger d’une mère russe et d’un père marocain, il insuffle à ses créations une diversité culturelle rare, entre raffinement parisien et chaleur méditerranéenne.
Les noms de ses collections donnent le ton : Modern Times, Songe d’une nuit d’été, The Bohemians, Romantic Beatniks. Un souffle poétique et libre traverse chaque vêtement, chaque saison. Une approche qu’il a notamment apprise chez les maisons Pierre d’Alby (où il officie comme directeur artistique), Jean-Charles de Castelbajac, Agnès b. ou encore Emmanuelle Khanh, avant de fonder Plein Sud, marque qui rime avec audace et sensualité.



Dès ses débuts, le créateur est intransigeant sur la qualité. Toutes les pièces Plein Sud sont produites dans sa propre usine à Châtellerault, en France — l’une des plus modernes d’Europe à l’époque. Son obsession du détail et de la coupe parfaite fait la réputation de la marque.
Fayçal Amor n’est pas qu’un créateur talentueux : c’est aussi un mécène. Dans les années 1980, il accueille nul autre que John Galliano dans ses locaux parisiens, dans un moment où le créateur britannique peine à faire exister sa marque. En 1992, Amor rachète même temporairement sa maison pour l’aider à se relancer.
Décennie 90 ou l’âge d’or de Plein Sud
La décennie 90 marque l’apogée de Plein Sud. Le style est reconnaissable entre mille : asymétries audacieuses, drapés fluides, matières nobles, coupes nettes et féminité assumée. Les vestes, jupes et tops en cuir lacés façon corset évoquent des armures modernes hyper-sensuelles. L’esthétique de la marque joue simultanément avec les codes de la force et de la séduction.
En 1993, la campagne String Me Along marque les esprits : provocante et avant-gardiste. Plein Sud devient incontournable. Les stars s’en emparent : Britney Spears, Sienna Miller, Sarah Jessica Parker, ou encore Madonna qui porte un ensemble en denim emblématique dans son clip Ray of Light en 1998.



La maison ouvre alors des boutiques dans les quartiers les plus prestigieux de Paris, notamment avenue Montaigne et à Saint-Germain-des-Prés, confirmant son statut de marque de prêt-à-porter de luxe. Les années 2000, en revanche, marquent un ralentissement. Plein Sud reste présente, mais semble moins dans l’air du temps. Certaines boutiques emblématiques ferment leurs portes, tandis que d’autres tentent de maintenir le cap. Preuve de sa notoriété toujours vivace : la marque s’installe un temps au Printemps Haussmann, symbole de sa reconnaissance aux yeux du public.
Cette décennie amorce pourtant une lente agonie. Si le style reste reconnaissable et les collections toujours cohérentes, la marque semble en décalage avec les évolutions du marché et les attentes d’une nouvelle génération de consommatrices.
Une renaissance par la seconde main
En 2018, Plein Sud cesse son activité. Mais loin de disparaître, la marque connaît une nouvelle vie… grâce à la seconde main.
Dans une interview accordée à El País, Fayçal Amor confie avec un sourire : « Les filles commencent à porter les robes de leurs mères ». Tout est dit. Grâce à des pièces intemporelles et une qualité de fabrication remarquable, Plein Sud traverse les générations. Les vêtements se transmettent, se collectionnent et se désirent toujours autant.


Aujourd’hui, la marque est très recherchée sur les plateformes de seconde main comme Depop, Vestiaire Collective ou encore Vinted, où certaines pièces se vendent à prix d’or. Ce regain d’intérêt confirme ce que les connaisseurs savent depuis longtemps : Plein Sud ne suit pas les tendances, elle les précède.
Marque culte des années 90-2000, Plein Sud n’a jamais vraiment disparu. Grâce à l’amour de ses fidèles, à la transmission générationnelle et au renouveau de la mode circulaire, elle revient dans les dressings des plus averties. Un style reconnaissable parmi mille et une histoire hors-normes qui, décidément, n’en finissent pas de plaire.
Article de Julie Boone.