Dans la mode, l’inspiration surgit souvent là où on ne l’attend pas. Des objets simples et familiers se transforment en créations audacieuses. Du trompe-l’œil au clin d’œil malicieux, ces accessoires inspirés du quotidien décalent la silhouette, captent l’attention et prouvent qu’avec un soupçon de créativité, chaque objet, aussi banal soit-il, peut devenir une pièce hors du commun.
Réinventer l’ordinaire
Dans la quête constante de renouveau, les créateurs puisent souvent dans ce qui les entoure. Un pli, un volume, peut devenir le point de départ d’un accessoire. Ces formes peuvent surgir des archives d’une maison, revisitées à la lumière des tendances actuelles, ou s’inspirer d’éléments extérieurs.
Un exemple emblématique : le Fortune Bag de Celine, lancé par Hedi Slimane en 2021. Ce sac sculptural s’inspire clairement de la forme du fortune cookie, biscuit chinois emblématique, dont il reprend la courbe délicate et le pliage. Sa silhouette évoque également le furoshiki, cet art japonais de l’emballage par du tissu. En jouant sur ces références croisées, le designer crée un objet conceptuel, fidèle à sa vision d’un luxe épuré mais pointu.


Chez Andersson Bell, marque coréenne reconnue pour ses propositions expérimentales, c’est la forme d’un vase qui sert de base à un sac à main. Présenté lors du défilé printemps-été 2024, ce modèle était littéralement garni de fleurs fraîches, brouillant les frontières entre accessoire, objet décoratif et performance artistique.
Cette saison, Lacoste joue aussi la carte du détournement, en transformant sa jupe plissée de tennis — l’un de ses classiques — en sac à main rigide. Plus accessible que le vase d’Andersson Bell, cette proposition réussit à conjuguer familiarité et nouveauté. La pièce, très partagée sur les réseaux sociaux, a rencontré un véritable succès commercial, preuve qu’une approche un brin loufoque peut aussi séduire le grand public.
Un moodboard organique
La nature et les éléments comestibles occupent une place importante dans la création d’accessoires inspirés du quotidien. Dès la collection couture printemps-été 2010, Jean-Paul Gaultier proposait un sac en feuilles d’arbre, fusion parfaite entre la nature et la sophistication couture. Cette pièce symbolise le trompe-l’œil à son apogée : un sac organique, vivant et fragile.


Sous la direction de Jonathan Anderson, Loewe s’amuse à brouiller les frontières. Le sac en forme de botte d’asperges, devenu l’une des pièces les plus emblématiques de la maison, illustre parfaitement cette volonté de surprendre — sans forcément chercher à séduire massivement. À ses côtés, un clutch crapaud, tout droit sorti d’un bestiaire fantastique, témoigne du goût du créateur pour les références inattendues à la nature.
Cette fascination pour l’ordinaire ne s’arrête pas aux accessoires. Sous son impulsion, la ligne de bougies Loewe a pris une ampleur nouvelle, misant sur des senteurs végétales singulières : feuilles de tomate, betterave, concombre… Autant de parfums qui bousculent les codes du luxe traditionnel, et prolongent cette esthétique du quotidien ré-enchanté.
Pop culture et détournement alimentaire



Dans une veine plus pop et provocatrice, Moschino s’est longtemps distingué par son goût du détournement visuel, notamment sous l’ère Jeremy Scott (2013–2023). Dès sa première collection pour la maison, il frappe fort avec une série de pièces inspirées de la restauration rapide, notamment de l’univers McDonald’s. Suivent d’autres saisons marquées par le kitsch alimentaire : bonbons, céréales, biberons transformés en sacs. C’est moins une saison en particulier qu’un fil rouge visuel que Scott tisse tout au long de sa décennie chez Moschino. Il n’est donc pas rare d’y croiser un sac en forme de barquette de frites, un flacon de lessive transformé en minaudière ou des accessoires évoquant les packagings du quotidien. Ce langage visuel décalé, à la fois joyeux et subversif, a permis à Moschino de revendiquer une esthétique pop qui interroge les frontières du luxe et de la consommation.


Dans un registre plus nostalgique et personnel, Balmain, pour l’automne-hiver 2024, s’inspire d’un déjeuner sur l’herbe. Olivier Rousteing revisite le thème du banquet champêtre avec une sophistication presque théâtrale : les grappes de raisin deviennent des boucles d’oreilles sculptées, le vichy évoque la nappe de pique-nique, et les escargots bordelais s’invitent jusque dans les bijoux.
Qu’il s’agisse de formes épurées ou de détournements plus extravagants, les accessoires inspirés du quotidien bousculent les frontières de la mode. En s’inspirant des objets les plus familiers, les créateurs réinventent notre rapport au style. Ces pièces démontrent que la créativité en mode n’a pas de limites et que le banal peut devenir sublime.
Article de Julie Boone.