Septembre, mois historique pour la planète mode 

Sep 23, 2025 | Brands, Culture, Fashion

Septembre marque une rentrée décisive pour l’industrie de la mode. Tandis que neuf directeurs artistiques prennent les rênes de maisons emblématiques, un vent de renouveau semble souffler sur les podiums. Mais derrière un apparent changement, un autre constat s’impose : la création reste encore largement dominée par des figures masculines. Une rentrée sous tension, entre nouvelles ambitions et vieux schémas. Décryptage. 

Une rentrée sur les chapeaux de roue 

Depuis plusieurs mois, l’industrie est secouée par une série de départs et de nominations qui rebattent les cartes de la direction artistique dans les grandes maisons. Le mois de septembre marque ainsi un nouveau point de départ, où plusieurs figures font leur entrée — ou leur retour — aux commandes. Rachel Scott a été nommée début septembre à la tête de Proenza Schouler, avec une première collection attendue pour janvier. Les fondateurs historiques de la marque, Jack McCollough et Lazaro Hernandez, prennent quant à eux la relève chez Loewe, succédant à Jonathan Anderson. Ce dernier signe ses débuts chez Dior femme, après avoir présenté sa première collection pour l’homme en juin. Il devient ainsi le seul créateur, depuis Christian Dior lui-même, à diriger simultanément toutes les lignes de la maison. Chez Gucci, Demna est attendu au tournant. Parviendra-t-il à redresser une maison en perte de vitesse, alors que le groupe Kering traverse une période de turbulence ?

Dario Vitale prend les rênes de Versace, succédant à Donatella après vingt-sept ans d’un règne sans interruption. Louise Trotter arrive chez Bottega Veneta, après un passage remarqué chez Lacoste et Carven qu’elle a remis à flots, tandis que le discret Miguel Castro Freitas s’installe chez Mugler, avec pour défi de moderniser une maison aussi mythique que marquée par son passé. Du côté de Chanel, le départ de Virginie Viard en juin 2024 a laissé un vide temporairement comblé par le studio interne de la maison. C’est désormais à Mathieu Blazy de faire ses preuves à la tête de la création de la marque au camélia. Avant lui, seuls Gabrielle Chanel, Karl Lagarfeld et Virginie Viard ont occupé le même poste. 

Un plafond de verre toujours intact 

Malgré ce souffle de renouveau, une donnée interpelle. Sur les huit premières collections attendues cette saison, une seule sera signée par une femme. Une inégalité frappante, d’autant plus criante que la mode est souvent perçue — à tort — comme un univers féminin. Les chiffres révèlent une tendance persistante : les femmes directrices artistiques accèdent le plus souvent à ce titre en fondant leur propre label. Autrement dit, dans une industrie marquée par des dynamiques de pouvoir encore très genrées, les créatrices doivent souvent créer leur propre espace pour exister.

Même les figures les plus connues du paysage mode, comme Vivienne Westwood, Stella McCartney ou Victoria Beckham, ont bâti leur légitimité en dehors du système des grandes maisons. À de très rares exceptions près, les femmes sont sous-représentées dans les maisons de luxe historiques, où les décisions sont encore majoritairement prises par des conseils d’administration masculins, parfois hermétiques à toute remise en question.

Louise Trotter, seule femme à signer une première collection cette saison, apparaît donc comme une exception dans un paysage encore verrouillé. Mais les choses évoluent. L’attention médiatique accordée à ces questions, la pression croissante de la part du public et le besoin de renouvellement pourraient ouvrir la voie à une nouvelle génération de créatrices. Encore faut-il que l’industrie leur laisse de la place. 

La question de la représentation des femmes à la tête des directions artistiques se joue aussi à l’échelle géographique. En Europe, et plus particulièrement en France et en Italie, elles restent largement sous-représentées dans les grandes maisons. Il suffit pourtant de traverser la Manche — ou l’Atlantique — pour constater une réalité bien différente. Lors de la Fashion Week de New York printemps-été 2026, les femmes occupaient une place nettement plus visible. Parmi toutes les marques de NYFW SS26 : six moments clefs, de Khaite à Sandy Liang, seule la ligne Valentino Beauty ne compte pas de femme à sa direction artistique. Un contraste révélateur, qui montre combien l’égalité reste une promesse encore loin d’être tenue en Europe.

Article de Julie Boone.