Septembre 2009 : Naomi Campbell court aux côtés d’un véritable léopard, drapée d’une robe asymétrique au motif félin pour un éditorial d’un célèbre magazine. L’image fait alors sensation, réaffirmant le pouvoir d’un imprimé qui traverse les décennies. Plus de dix ans plus tard, le léopard n’a toujours rien perdu de sa superbe. Été comme hiver, il reste l’un des motifs les plus convoités. Mais comment est-il passé d’un symbole de féminité fatale à un incontournable de notre garde-robe ?
Un motif longtemps synonyme d’ultra-féminité
Dès les années 1940, le léopard se charge d’imaginaires contrastés. De part et d’autre de l’Atlantique, deux visions s’opposent. En France, Christian Dior en fait l’incarnation du chic, un motif sophistiqué réservé aux femmes élégantes. Aux États-Unis, l’imprimé se charge de sous-entendus sulfureux : il devient l’uniforme des pin-up, de Jayne Mansfield à Bettie Page, et se teinte d’un vernis provocant.
Pourtant, certaines icônes américaines contribuent à neutraliser cette réputation. Jackie Kennedy en porte une version raffinée, tout comme Carolyn Bessette-Kennedy quelques décennies plus tard. Chic et minimaliste : elles montrent que le léopard peut être aussi élégant qu’un tailleur parfaitement coupé.


Dans la culture populaire, les années 1990 contribuent à son retour triomphal. Une nounou d’enfer impose Fran Fine comme icône de mode. Emblème d’un style pop et glamour, ses silhouettes mini, moulantes et saturées d’imprimés – dont beaucoup de léopard – marquent une génération.
Parallèlement, les maisons italiennes Roberto Cavalli et Gianni Versace en font un élément signature. En France, Azzedine Alaïa, lui aussi, s’empare du motif et l’inscrit dans une esthétique sculpturale, body-con. Cette imagerie, faite de courbes, de mini-jupes et de silhouettes affirmées, réapparaît aujourd’hui dans la tendance Mob Wife. Fourrure, lunettes fumées, talons aiguille… et bien sûr léopard : ce vestiaire exubérant incarne une féminité à la fois puissante et indomptable.
De l’imprimé signature à l’essentiel du dressing
S’il traverse les décennies sans faiblir, c’est parce que le léopard s’adapte à tout. Années 50, 70, 90 : le motif reste identique mais migre d’un style à l’autre, se fondant dans le rétro, le disco, le glamour ou le minimalisme.
Aujourd’hui, il a perdu une partie de sa charge séductrice. Les marques françaises au style rétro-sage comme Balzac Paris ou Rouje en ont fait un incontournable – presque une couleur neutre. Une jupe léopard s’associe au blanc, au noir, au denim avec la même évidence qu’un beige ou un camel.



De motif transgressif, il devient un basique, au même titre que le cuir ou le denim. Sa démocratisation est totale : on en trouve pour tous les prix, toutes les coupes, et désormais… dans le vestiaire masculin. Preuve que le léopard n’est plus seulement réservé à la figure de la femme fatale.
Un imprimé désormais synonyme d’audace
Ce basique n’a pourtant rien perdu de sa superbe. Les enseignes de streetwear l’ont bien compris. Exemple récent : la Nike Air Superfly Pony Hair. La marque à la virgule réinvente son modèle vieux de 25 ans, le pare d’un motif léopard texturé et l’adapte à l’automne. Après avoir relancé la Superfly cet été dans une version argentée, Nike poursuit sur sa lancée avec une paire pensée pour toutes, capable d’attirer aussi bien les fans de sneakers que les adeptes des dernières tendances.



La campagne autour de l’artiste Ruthee, interprète du morceau Mon Amour, renforce ce message d’inclusivité : selon elle, cette paire peut convenir à tout le monde. Et c’est là toute l’évolution de l’imprimé léopard. Longtemps perçu comme un symbole d’ultra-féminité, il devient l’emblème d’une mode plus fluide, plus libre, en phase avec le quotidien des femmes d’aujourd’hui.
De symbole de féminité fatale à imprimé démocratisé, le léopard n’a cessé de se réinventer. Aujourd’hui, il se porte au quotidien comme un signe d’assurance, d’expression de soi plutôt que d’hyper-séduction. Passé entre les mains des couturiers, des icônes pop, des marques grand public et désormais du streetwear avec Nike, le léopard prouve qu’il n’appartient plus à un genre ni à une époque. Il est devenu un langage universel, un motif libre et indomptable — à l’image de celles et ceux qui le portent.
Article de Julie Boone.








