Cannes 2025 : comment les marques de luxe s’imposent dans le cinéma

Mai 18, 2025 | Culture, Fashion, News

Cannes 2025, quand les marques font leur cinéma

Alors que l’édition 2025 du Festival de Cannes s’est ouvert sous le signe de nouvelles restrictions sur le tapis rouge — nudité et robes à longue traine interdites — le débat entre mode et cinéma refait surface. Si le Festival tente de réaffirmer sa vocation artistique, les maisons de couture, elles, s’installent durablement dans les coulisses : co-productions, mécénat, prix dédiés… Elles ne se limitent désormais plus à leur seule présence sur le tapis rouge, elles investissent durablement dans le septième art. 

Coup de théâtre sur la Croisette

Le Festival de Cannes a provoqué un véritable séisme médiatique en annonçant, à peine 24 heures avant son ouverture, une nouvelle réglementation interdisant les robes trop volumineuses et la nudité sur le tapis rouge. Officiellement, cette décision vise à éviter les embouteillages sur les marches et à préserver le caractère cinéphile du festival. Officieusement, elle sonne comme un rappel à l’ordre : Cannes veut recentrer son image autour du cinéma, au détriment du spectacle de mode qui s’est peu à peu imposé.

Mais le public et les médias ne l’entendent pas de cette oreille. Sur les réseaux sociaux, les réactions ont été immédiates et virulentes, dénonçant un festival jugé conservateur. Car le tapis rouge de Cannes n’est plus seulement un défilé de stars venues défendre leur film : c’est un véritable podium où les maisons de luxe rivalisent d’inventivité pour habiller les personnalités les plus en vogue.

Le mécénat de luxe

Au-delà des silhouettes qui gravissent les célèbres marches de Cannes, les marques tissent désormais des liens plus profonds avec le festival. À l’instar du prix Women in Motion, créé par le groupe Kering, qui célèbre depuis dix ans des figures féminines du septième art — qu’elles soient devant ou derrière la caméra. Cette année, c’est l’actrice Nicole Kidman qui en est la lauréate. Avec ce prix le groupe Kering montre qu’il agit concrètement pour la représentation féminine, autant à l’écran qu’en coulisses.

Autre initiative marquante : le Grand Prix Ami Paris qui vise à récompenser la jeune garde cinématographique lors de la Semaine de la Critique. Année à marquer d’une pierre blanche pour la marque d’Alexandre Mattiussi qui co-produit cette année, Enzo, un film de Robin Campillo projeté en avant-première à Cannes avant sa sortie en salles. AMI n’oublie toutefois pas d’habiller des personnalités, comme Rossy de Palma, dans une pièce hybride mi-robe mi-manteau.

Des maisons de couture aux maisons de production

Certaines marques vont encore plus loin en produisant leur propre film. C’est le cas de Saint Laurent, qui a créé Saint Laurent Productions, avec l’ambition de produire deux à trois films par an. Leur premier coup d’éclat : l’an passé avec Emilia Perez de Jacques Audiard. Un film, un temps dans la tourmente, qui a tout de même raflé de nombreux prix dont deux Oscars.

Même démarche chez Chanel qui soutient The Chronology of Water, premier film réalisé par son ambassadrice Kristen Stewart, en compétition dans la section Un Certain Regard. La maison participe aussi aux costumes du film Les Aigles de la République, porté par Lyna Khoudri, et finance Arco, le premier film animé du Français Ugo Bienvenu.

Dior : un héritage hollywoodien en voie d’être réactivé 

Longtemps réduite à son rôle d’habilleur, la maison Dior entend aujourd’hui renouer avec ses racines cinématographiques. Christian Dior, avant de lancer sa marque éponyme, créait déjà des costumes pour le cinéma, dont ceux du Grand Alibi d’Alfred Hitchcock avec Marlene Dietrich. Il a même été nommé outre-atlantique pour l’Oscar du meilleur costumier en 1954. 


La maison a ensuite collaboré avec des cinéastes de renom — Sofia Coppola, Olivier Dahan, David Lynch — pour des courts-métrages publicitaires. Aujourd’hui, elle semble prête à passer à l’étape supérieure. Le nouveau directeur artistique de Dior Homme, Jonathan Anderson, connu pour avoir travaillé sur les costumes du film Queer de Luca Guadagnino, pourrait bien injecter une nouvelle direction cinématographique à la marque.

Sur les marches cette année, Juliette Binoche, Géraldine Nakache, Safran Vadher ou encore Quentin Tarantino portaient des silhouettes Dior, entre robe-nuisette orange ou costume noir épuré. Une présence visible qui ne tardera certainement pas à se doubler en coulisse. 


En resserrant les règles du tapis rouge, le Festival de Cannes tente de rappeler que le cœur de son projet reste le cinéma. Mais le message semble paradoxal à l’heure où les maisons de couture, loin de se contenter d’habiller les stars, s’imposent désormais comme coproducteurs, mécènes et narrateurs. De Saint Laurent à Chanel, en passant par AMI Paris ou Dior, la mode investit l’image au sens large, et se glisse entre les lignes des scénarios. Plus que jamais, Cannes est devenu le théâtre d’un cinéma habillé — et parfois écrit — par les marques.