La Fashion Week de Copenhague est-elle vraiment durable ? 

Août 8, 2025 | Brands, Culture, Fashion

La Copenhagen Fashion Week veut s’imposer comme la Fashion Week la plus responsable au monde. Labels éco-engagés, scénographies zéro déchet, critères de sélection stricts… Mais entre ambitions affichées et réalité des partenariats, l’événement est-il aussi durable qu’il le prétend ?

Un accès soumis à conditions

Depuis 2020, la CFW a mis en place un cahier des charges strict destiné aux marques souhaitant intégrer sa programmation. Ces critères, regroupés sous le nom de Sustainability Requirements, visent à réduire l’impact environnemental de l’événement, limiter les déchets, et encourager des pratiques de production plus éthiques. Pour participer, chaque maison soumet son dossier à un jury dédié aux enjeux RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), qui évalue les candidatures selon 19 critères.

Parmi les exigences minimales :

  • Au moins 50 % de la collection doit être certifiée, composée de matériaux durables de nouvelle génération, recyclés, upcyclés ou issus de stocks dormants.
  • Fur free : la fourrure est interdite.
  • Zéro plastique à usage unique, que ce soit en boutique, dans les colis ou en backstage.
  • Les décors de défilé doivent être zéro déchet.
  • Les marques doivent garantir des conditions de travail décentes dans leur chaîne de production : pas de travail forcé.
  • Le casting des mannequins doit refléter des engagements inclusifs.

Ce modèle inspire d’autres capitales européennes comme Amsterdam, Berlin ou Oslo. À ce jour, Londres est la seule grande Fashion Week à avoir officiellement adopté ces standards — néanmoins seulement applicables aux jeunes designers. La France, elle, reste à la traîne — bien que des initiatives locales comme la Slow Fashion Week à Marseille s’inscrivent dans cette mouvance.

Zalando récompense l’engagement de Bubu Ogisi

Lors de cette nouvelle édition, le Zalando Visionary Award a été décerné à la marque I Am Isigo, fondée par la créatrice nigériane Bubu Ogisi. Elle remporte 50 000 euros ainsi qu’un mentorat de six mois, destiné à l’accompagner dans le développement de sa marque déjà présente à l’international. 

Sa collection, vibrante et haute en couleurs, incarne une vision profondément artistique de la mode. Sur son site, l’expression « wearable art » – art à porter – traduit parfaitement l’essence de ses créations. Elle utilise des matériaux de récupération, explorant un vestiaire engagé, à la croisée du design et de l’activisme.

À travers ses silhouettes, I Am Isigo rend hommage aux techniques ancestrales de tout le continent africain, du Ghana au Kenya, intégrant un héritage artisanal dans un processus de création éminemment politique. Sa démarche cherche à concilier considérations environnementales et réflexion post-coloniale, dessinant une mode à la fois contemporaine, consciente et ancrée dans le panafricanisme.Lors de cette nouvelle édition, le Zalando Visionary Award a été décerné à la marque I Am Isigo, fondée par la créatrice nigériane Bubu Ogisi. Elle remporte 50 000 euros ainsi qu’un mentorat de six mois, destiné à l’accompagner dans le développement de sa marque déjà présente à l’international. 

Un sponsor controversé 

En apparence, Zalando se positionne comme un acteur clé de la transition écologique du secteur. En 2023, la plateforme a annoncé qu’elle ne commercialiserait plus que des marques répondant à des critères éco-responsables. Un grand nettoyage censé concerner les 2 500 marques de son catalogue, à travers des critères comme l’impact environnemental, les droits humains ou encore l’égalité salariale. 

L’entreprise a également affirmé vouloir réduire son empreinte carbone de 80 % d’ici 2025 pour ses opérations internes. Un engagement soutenu par 90 % de ses partenaires, alignés avec les objectifs de l’Accord de Paris via la Science Based Targets Initiative.

Mais derrière cette communication ambitieuse, la réalité est bien plus nuancée. En 2024, la Commission européenne a épinglé Zalando pour greenwashing, l’obligeant à retirer des labels de durabilité trompeurs présents sur ses fiches produits. Pire encore : en 2021, son empreinte carbone était deux fois supérieure à celle de l’Islande.

La Copenhagen Fashion Week joue un rôle important dans la transformation de l’industrie de la mode. Ses standards imposent une pression positive sur les marques, et son influence commence à se faire sentir dans d’autres capitales. Mais le choix de ses partenaires, notamment Zalando, soulève des contradictions. Une preuve que la mode éthique est encore un chantier en cours, où les ambitions affichées doivent encore s’accompagner d’une transparence totale.

Article de Julie Boone