La Fashion Week Homme de Paris ne se contente plus de défiler : elle collabore, joue collectif, et donne naissance à des dialogues inédits. Des labels émergents aux constructeurs automobiles, il n’y a qu’un pas. Tour d’horizon des collaborations les plus marquantes de cette saison.
Y-3, le nouveau terrain de jeu de Wales Bonner



Pour sa collection SS26, Grace Wales Bonner renforce ses liens avec adidas, amorçant un nouveau chapitre à travers une première collaboration avec Y-3, la ligne en partenariat avec Yohji Yamamoto. Présentée lors du défilé, la Y-3 Field — sneaker plate, sobre et hybride — incarne la rencontre entre héritage sportif et élégance britannique. Une évolution logique après le succès de la Samba, que la créatrice a su faire renaître sous de multiples facettes. Wales Bonner continue ainsi de réconcilier héritage, fonctionnalité et sportswear, en repensant les règles du jeu.
Kiko Kostadinov poursuit son voyage avec Asics



Impossible de parler de longévité sans évoquer le tandem Kiko Kostadinov x Asics, qui repousse chaque saison les frontières du design footwear. Pour la SS26, le créateur bulgare revisite la silhouette tabi — cette chaussure qui isole le gros orteil du reste du pied — à travers un modèle toujours plus audacieux qui se décline dans un camaïeu de verts, noir intégral et dans un duo turquoise-marron… Fidèle à son ADN, Kiko Kostadinov poursuit sa recherche d’hybridation, loin des tendances passagères.
Une Mercedes-Benz au défilé KidSuper


Dans un décor hautement symbolique — le Musée des Arts Décoratifs — Colm Dillane (KidSuper) a présenté bien plus qu’un défilé : un manifeste artistique. En collaboration avec Mercedes-Benz, il dévoile une CLA entièrement transformée. Véritable pièce centrale du show, la voiture s’intègre dans une proposition globale et surtout vestimentaire : une capsule de 15 pièces qui reprend l’esthétique rallye. Une rencontre entre mode, automobile et narration personnelle, qui illustre à merveille le goût de KidSuper pour les croisements inattendus — et les happenings mémorables.
adidas muscle son engagement aux côtés de Willy Chavarria



Dans l’écrin solennel de la Salle Pleyel, Willy Chavarria a conçu son défilé comme un diptyque narratif. D’abord, une mise en scène saisissante évoquant les prisons du Salvador, dénonçant les conditions de détention inhumaines — un geste fort, fidèle à son activisme. Puis, place à une collection où les silhouettes féminines occupent un espace grandissant, sans jamais trahir son esthétique au croisement des 70s et des 80s. Deux constantes demeurent : son engagement envers les communautés marginalisées et sa collaboration continue avec adidas. Cette saison, la marque aux trois bandes s’est invitée directement sur le podium, portée par plusieurs de ses ambassadeur·rices, dont James Harden, superstar de la NBA. Une alliance qui prend une nouvelle dimension, fusionnant davantage l’élégance à l’ADN sportswear.
Graphpaper x ILL-Studio : minimalisme radical et fiction sonore

Pour célébrer ses dix ans, Graphpaper s’est offert un passage remarqué à Paris, en conviant ILL-Studio à imaginer une expérience immersive inédite. Le projet « FORM FOLLOWS FICTION », présenté sous forme de pop-up de trois jours, a transformé l’espace en installation sensorielle. Des panneaux monochromes monumentaux — sorte de structures noires évoquant des monolithes — et une bande sonore hypnotique conçue avec Pierre Rousseau diffusée en quadriphonie. Dans ce dispositif ultra léché, la collection de basiques signature de Graphpaper trouvait un nouvel écho entre lignes pures et bruits blancs, comme si le vêtement devenait prolongement du décor. Une première parisienne conceptuelle, à l’image du minimalisme radical que la marque japonaise maîtrise parfaitement.
Plus que jamais, les collaborations apparaissent comme un levier de narration puissant au sein de la Fashion Week Homme. Elles ne se contentent pas de juxtaposer des logos, mais racontent des histoires croisées : entre marques et artistes, entre sport et luxe, entre design et mémoire. Si certaines (comme Kiko Kostadinov x Asics) confirment une fidélité construite sur le long terme, d’autres (comme Graphpaper x ILL-Studio ou Mercedes x KidSuper) parviennent à délivrer des performances totales. À travers ces alliances, c’est une nouvelle grammaire de la présentation qui se dessine — plus collective, plus immersive, plus perméable aux disciplines extérieures. Un signe fort que la mode masculine se pense en écho permanent au monde qui l’entoure.
Article de Julie Boone.