Entre silhouettes pointues, prestations scéniques millimétrées et messages de fond, la 3ᵉʳᵉ cérémonie des Flammes a confirmé son statut de rendez-vous incontournable des cultures populaires. Retour sur les temps forts de la soirée : Aya sacrée reine de l’international, Shay, Artiste Féminine de l’année, La Mano 1.9 et Theodora confirmés comme Révélations…
Une cérémonie née d’un besoin de reconnaissance
Lancée en 2023, la cérémonie des Flammes a été imaginée comme une réponse au manque criant de reconnaissance des artistes issus des cultures populaires — dont sont dérivés le rap, le R’n’B, l’afro ou encore la drill — dans les cérémonies musicales traditionnelles. Créée par Booska-P, Yard et Spotify, elle ambitionne de mettre en lumière les talents qui façonnent les codes et le son de toute une génération. Deux ans plus tard, les Flammes s’imposent comme un rendez-vous culturel majeur, où la scène urbaine française déploie toute sa richesse, de la mode à la performance en passant par des prises de position affirmées.
La troisième édition, qui s’est tenue ce soir à La Seine Musicale en banlieue proche de Paris, a une nouvelle fois mêlé prestations spectaculaires et prises de parole puissantes, confirmant que les Flammes ne sont pas une simple remise de prix, mais un miroir pour comprendre notre époque.
Un début de cérémonie enflammé
Pour sa 3ᵉ édition, la cérémonie des Flammes a de nouveau misé sur l’humoriste Nordine Ganso pour endosser le rôle de maître de cérémonie. Fidèle à sa couleur signature, le violet, le Bordelais est arrivé sur le tapis rouge en Supreme — shorts oversize délavé et veste à zip — avant de troquer son look décontracté pour une plus grande sobriété assurée par un costume noir ample, décoré par une panoplie de broches clinquantes. Le groupe L2B a eu l’honneur de fouler en premier la scène lors d’une performance qui a embrasé le public. En total look denim destroyed, Timberland aux pieds et chaînes à l’effigie de leur groupe autour du cou, le trio a surfé sur un style année R’n’B année 2000, confirmant qu’ils sont bien nés pour briller.


Du côté des femmes, Eva est arrivée en cheffe sur le tapis rouge vêtue d’une robe asymétrique signée Dsquared2. Aussitôt passée les portes de la Seine Musicale, elle enchaîne avec une performance spectaculaire, digne des plus grands films d’action. Trois mois de préparation ont été nécessaires pour cette prestation pensée comme le manifeste de son nouvel univers. Côté tenue de scène : sensualité assumée en @rita_intimates, avec une brassière, une culotte taille haute à sequins et des manches toutes en transparence. Sans faute, ses looks sont tous pensés par @mv.tiangue, créatrice de contenu et styliste de talent. Nommée dans la catégorie Artiste féminine de l’année, elle fait un retour réussi grâce à l’album Page Blanche.
Icônes confirmées et silhouettes millimétrées

Aya Nakamura reçoit quant à elle la Flamme du rayonnement à l’international, un prix remis par le metteur en scène Thomas Jolly, derrière la mythique cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Une reconnaissance logique pour l’artiste francophone la plus écoutée dans le monde. Pour l’occasion, elle opte pour une silhouette romantico-gothique basée sur un corset et une jupe à laçage, dévoilant la jambe. Le look est signé Ayo504Studio, marque parisienne spécialisée dans la lingerie. Côté accessoires, la chanteuse fignole le look avec un voile subtil. Shay, nommée artiste féminine de l’année, fidèle à Balenciaga, arpente elle aussi, le tapis rouge, en noir. Robe corseté dans le dos issue de la collection Printemps-Été 25, sous-vêtements apparents et sac dépouillé de ses ornements : un parti-pris mode épuré et incisif, signature de la rappeuse bruxelloise. Révélation de la première édition des Flammes, Ronisia a misé sur une robe en mesh Marine Serre. Les demi-lunes caractéristiques de la créatrice se retrouvent aussi sur le costume de Rokhaya Diallo venue pour délivrer la Flamme de l’engagement social.

Les hommes aussi brillent sur le tapis rouge
Chez les hommes, Guy2Bezbar a fait mouche avec un style preppy, hommage à ses origines congolaises et aux sapeurs. Au moment de sa performance sur scène, le rappeur ajoute un carré Chanel autour de son cou, référence directe au refrain du titre Monaco qu’il interprète. Jolagreen23 a misé sur un costume croisé noir combiné à des mocassins à bout carré, le tout surmonté d’une fourrure XXL digne des clips des années 90. Joe Dwet Filé, récompensé par la Flamme du morceau de musiques caribéennes, a également opté pour un complet ajusté aux détails satinés. Révélation masculine de l’année, La Mano 1.9 choisit de rester proche du streetwear en arborant un ensemble décontracté mais premium, signé Louis Vuitton. Allure qu’il retrouve d’autant plus sur scène lors de sa performance avec Genezio, où il troque le célèbre monogramme pour la discrétion d’un ensemble de jogging Nike.
Cette année, les hommes ont démontré une plus grande audace en matière de mode, jonglant entre tailoring soigné, références culturelles assumées et jeux de textures. Preuve que, sur le tapis rouge des Flammes, la mode masculine parvient à s’émanciper des codes traditionnels.


Theodora, nouvelle boss lady
Récompensée par la Flamme de la révélation féminine de l’année, Theodora s’impose comme l’icône montante à suivre. Après un premier look aux épaules structurées, manches exagérées et sourire en or sur le tapis rouge, elle monte sur scène avec une nouvelle tenue toujours en volume. Coiffée de cornes, habillée d’une robe blanche à laçage romantique et aux hanches amplifiées, elle reçoit son premier trophée et profite du moment pour dédier son prix « à toutes les filles noires un peu bizarres ». Une phrase qui résonne comme un manifeste pour la Française d’origine congolaise.

Plus qu’une simple remise de prix, les Flammes s’imposent comme un miroir des mutations culturelles actuelles. Portée par une génération d’artistes en quête de reconnaissance, de liberté et de représentation, cette édition célèbre autant la musique que les identités plurielles, les engagements personnels et les partis-pris radicaux. En affirmant avec panache l’importance des cultures populaires dans le paysage artistique français, les Flammes confirment qu’elles sont là pour durer — et surtout, pour brûler les codes.
Article par Julie Boone.