Giorgio Armani ou l’élégance éternelle 

Sep 12, 2025 | Brands, Culture, Fashion

Surnommé le Maestro, Giorgio Armani s’est éteint à l’âge de 91 ans, laissant derrière lui un empire de plusieurs milliards d’euros. Inhumé en toute discrétion dans ville natale, les hommages, eux, se multiplient partout dans le monde. Retour sur une carrière qui a redéfini les codes du costume et du glamour à l’italienne.

Une vision inaltérable du vêtement 

Jusqu’à ses derniers jours, Giorgio Armani est resté maître à bord. À 91 ans, il continuait de diriger son empire avec une poigne de fer. Il incarnait l’idée d’un créateur total : celui qui contrôle chaque ligne, chaque tissu, chaque silhouette. Son approche du costume, qu’il a déconstruit dès les années 80, reste l’un des apports majeurs à l’histoire de la mode contemporaine. À rebours de la rigidité masculine héritée des décennies précédentes, Armani a su imposer une élégance fluide. C’est cette idée du power dressing — autorité et raffinement — qui a fait son succès, à une époque où les frontières du genre dans la mode commençaient à se fissurer.

Il suffit de se replonger dans ses défilés les plus marquants pour percevoir, au-delà des variations saisonnières, la constance de sa vision. Pour le printemps/ été 1996, la rigueur cède entièrement la place à la fluidité ; les tissus semblent glisser à même la peau, donnant un effet presque liquide. Puis vient l’année 1999, où il brouille les repères avec une mise en scène troublante et amusante : les mannequins défilent par deux, comme des reflets en miroir — un dispositif qu’il reprendra deux ans plus tard. Enfin, en 2008, son imaginaire s’aventure vers d’autres rivages, aux accents bohèmes et pirates : les pantalons à pinces se muent en sarouels aériens, la gamme chromatique se restreint à l’essentiel — bleu, sable, blanc, noir — et les accessoires s’accumulent sans alourdir, dessinant des silhouettes libres. 

Le cinéma, l’autre podium 

Mais Armani n’était pas qu’un maître du podium. Il fut aussi un architecte du style à l’écran. En 1980, alors que sa marque n’avait que cinq ans, il signe l’intégralité de la garde-robe de Richard Gere dans American Gigolo. Le costume — fluide mais parfaitement taillé — transforme l’acteur en sex-symbol, et Armani en créateur culte à l’international. La puissance du vêtement Armani ne réside donc pas seulement dans sa coupe, mais surtout dans sa capacité à bousculer l’ordre établi afin de créer une masculinité moderne

Ce lien avec Hollywood ne s’est jamais rompu. Dès 1978, Diane Keaton monte sur scène pour recevoir son Oscar vêtue d’un blazer et d’une jupe plissée signés Armani, défiant les codes traditionnels de la féminité sur tapis rouge. En 1981, Grace Jones pose en couverture de son album Nightclubbing dans une veste aux épaules exagérées de la maison italienne. En 1990, Julia Roberts apparaît aux Golden Globes dans un costume gris : une silhouette devenue iconique, qui continue d’inspirer une nouvelle génération d’actrices. Loin des robes fourreaux habituelles, ce look incarne l’esthétique du « louche suiting », subtil mélange entre nonchalance et sophistication.

Même les films récents continuent d’être traversés par son influence. Pour Le Loup de Wall Street, la cheffe costumière Sandy Powell fouille les archives Armani des années 90, avec la bénédiction du créateur lui-même. Seuls deux costumes apparaissent à l’écran sur Leonardo DiCaprio, mais l’ombre du style Armani plane sur toute la silhouette du personnage. En 2024, à Cannes, Hunter Schafer revisite le mythe de Cendrillon dans un bustier réfléchissant issu de la collection Armani Privé Printemps 2025. Quinze ans après sa création, la ligne Armani Privé reste plus que jamais en phase avec son époque.

Un héritage vivant 

Depuis l’annonce de son décès, le 4 septembre dernier, la mode semble en état de recueillement. Sur les plateformes de seconde main c’est un tout autre état d’esprit qui règne : les recherches de pièces vintage signées Armani ont explosé, autant en Europe qu’aux États-Unis. Comme si chacun voulait s’approprier un fragment du créateur. 

Il y a quelques mois encore, la maison Giorgio Armani célébrait ses 50 ans. Un anniversaire qui, rétrospectivement, sonne comme un testament. Peu de créateurs auront réussi à maintenir une telle cohérence dans leur œuvre. Son esthétique n’a jamais cédé aux sirènes du clinquant ou aux tendances passagères. Aujourd’hui, son nom reste synonyme d’élégance. Si le Maestro s’est éteint, son œuvre, elle, continue de défiler.

Article de Julie Boone.