Lauréate de l’appel à projet Nowness x Nike x Courir, la réalisatrice et photographe dévoile Le Rayon est Vert, un court-métrage sensible qui explore l’éclat furtif d’une connexion humaine. Présenté lors de la soirée Contre-Courant au Grand Palais Immersif, aux côtés du film du duo Kourtrajmeuf, son projet révèle une approche singulière, autant nourrie par le graphisme que par la photographie. Avec ce film écrit après un voyage en Guadeloupe, elle capture ces quelques secondes d’harmonie où tout semble s’aligner — comme un rayon lumineux aussi rare que inattendu.
Derrière Le Rayon est Vert
La réalisatrice a écrit Le Rayon est Vert après un voyage en Guadeloupe, fascinée par ce rayon lumineux qu’elle n’avait jamais vu. « Le fait de ne pas l’avoir observé m’a confortée dans l’idée d’écrire un film autour de ce phénomène éphémère, qui pouvait rappeler des interactions humaines ». Le film suit Mia, qui raconte à son amie Yas ce qu’il s’est passé lors d’une fête des voisins. Sans un mot, elle y a rencontré Léo avec lequel elle s’est mise à danser. Elle tente de mettre des mots sur cette connexion immédiate, presque indescriptible.


Il arrive parfois cinq secondes où l’on se sent profondément connecté avec quelqu’un, en amitié comme en amour.
Pour transmettre cette harmonie fugace, la danse s’est imposée comme le moyen d’expression idéal. Fascinée par le mouvement et les corps qui se synchronisent, la réalisatrice explique : « Avec l’expression corporelle, on peut se retrouver en parfaite harmonie avec quelqu’un, de façon incontrôlée. C’est idéal pour parler de ces cinq secondes d’évidence ».
Le choix des interprètes a été crucial, surtout pour Mia, qui devait combiner danse et jeu d’actrice. Mariam Kamara, sans expérience d’acting mais dotée d’une « certaine brillance », a immédiatement convaincu. « Un truc dans son regard m’inspirait beaucoup » souligne Marion. Simon Chereze, qui incarne Léo, est le compagnon de Mariam dans la vie, ce qui rend leur alchimie évidente à l’écran. Pour Yas, le rôle a été écrit pour Yasmine Mouton, une amie de la réalisatrice qui n’était jamais passée devant la caméra.


J’ai toujours été très fascinée par les gens qui dansent.
Derrière cet « éclair d’un sentiment en 4 minutes, générique inclus », deux jours de tournage, à la fois dans le département du 77 pour les scènes dans la salle d’attente et les champs, et à Paris, dans la cour d’un immeuble. En amont, « en termes d’écriture, de réalisation et de production, tout s’est enchaîné » confie la réalisatrice tout en expliquant le rôle central de Tatiana Becouarn, la productrice. Elle ajoute dans ce sens : « Il y a l’écriture puis toutes les personnes grâce auxquelles le film prend vie ».
Pour le Rayon est Vert, c’est une équipe de près de vingt personnes sur le tournage et en post-production. Sans eux, ce serait impossible de faire ce genre de film ni d’avoir la joie ni la chance de dire quelque chose.
Un regard graphique sur le cinéma
J’avais un appareil photo dans les mains alors que j’avais à peine six ans.
Marion pratique également la photographie, longtemps en amateure, et depuis peu en professionnelle ; une discipline qui nourrit grandement sa façon de réaliser. « En photographie, je provoque l’imprévu, je laisse place à l’erreur. En réalisation, je prépare mes plans en détail, mais j’aime aussi intégrer un peu d’improvisation. Les deux pratiques se répondent », explique-t-elle. En ce qui concerne la réalisation, son premier court métrage, Beau, est sorti en 2022. Une voie qu’elle a été amenée à emprunter à force de côtoyer des réalisateurs qu’elle assistait dans la conception et la rédaction de notes d’intention. Elle affirme que c’est « en travaillant avec eux [qu’elle a] eu envie de passer derrière la caméra ».
Tout au long de l’interview, Marion met un point d’honneur à souligner la nécessité du travail d’équipe : « Un tournage, c’est une fourmilière. Il existe une synchronicité incroyable entre toutes les personnes impliquées. Sans elles, le film ne pourrait pas exister. »

Ma façon de faire des films, c’est de les faire en équipe.
Avant de passer derrière la caméra, c’est armée de son stylet que Marion a fait ses armes à l’École Estienne, où elle a étudié le design graphique. Son bagage se retrouve dans chaque film, pensé comme un objet éditorial : « je ne vais pas le dissocier de l’affiche, du générique, qui sont à mon sens très importants. Sur Le Rayon est Vert, j’ai eu la chance de travailler avec Marion Moulin qui s’est occupée du générique et de la composition de l’affiche avec Lisa Carpagnano, illustratrice ».
La formation que j’ai faite à Estienne m’a poussé à me questionner sur le monde à travers ma pratique. Et ça ne m’a jamais quitté.
Une soirée à « contre-courant »
Lorsque Marion Renerre envoie Le Rayon est Vert à l’appel à projet Nowness x Nike x Courir, elle n’y croit pas vraiment. Le film ne correspond pas totalement aux critères annoncés, et hors de question pour elle d’en proposer un autre montage : « Pour moi, le film était incompressible. » Pourtant, c’est ce projet-là qui sera sélectionné — ouvrant la voie à une visibilité inespérée. Outre la participation à la soirée Contre-Courant, la réalisatrice bénéficie aussi d’une diffusion et d’une éditorialisation sur Nowness : « Ça donne le pouvoir au film d’être vu par des biais que je n’aurais même pas imaginés. »


Le soir de la projection, le Grand Palais Immersif impose sa stature. « Très impressionnant comme lieu, en particulier pour diffuser des films », confie Marion. Elle y découvre enfin ceux de Thomas Gerard et Harrison Garret, dont elle souligne « le travail sur le son et le montage, assez fantastique ». De Dreaming Again, elle retient « l’éloge sensorielle » portée par la voix de Lydia, et de Echoes of Darkness, « ce jeu entre le noir et blanc et la couleur ». Voir son propre film projeté à leurs côtés représente un moment fort : « C’est un honneur pour moi… et une belle récompense pour l’équipe. »
La soirée est aussi marquée par la projection XXL de Contre-Courant, réalisé par le duo Kourtrajmeuf autour de Garance Vallée. Marion salue un film « très percutant » et la force de deux réalisatrices dans un milieu encore largement masculin : « Porter un film comme celui-ci, tout en étant soutenues par des marques comme Nike et Courir, c’est pour moi être à contre-courant. »Cette notion résonne d’ailleurs avec sa propre démarche même si elle l’associe moins à la provocation qu’à la singularité. Et cette voix, Marion choisit de la diriger vers la lumière : « De mon côté, je cherche à cultiver une forme de joie dans les images que je produis — dans un monde marqué par des images dures mais nécessaires ».
Avec Le Rayon est Vert, Marion Renerre capte l’infime, l’éphémère, et rappelle que certaines rencontres — comme certains phénomènes lumineux — ne durent qu’un instant mais marquent durablement.
Pour ne rien rater du travail de Marion : @marionrenerre
Article de Julie Boone.








