Qui est Meryll Rogge, la nouvelle directrice artistique de Marni ?

Juil 30, 2025 | Brands, Fashion

C’est une nomination qui en dit long sur le moment que traverse la mode. Meryll Rogge, créatrice belge encore peu connue du grand public, vient de prendre la tête de Marni, maison italienne autant réputée pour son savoir-faire que pour son âme d’enfant. Elle succède à Francesco Risso, en poste depuis près de dix ans. Sa nomination ouvre un nouveau chapitre pour la marque — et apporte une bouffée d’air frais à une industrie où les femmes restent largement absentes des postes de direction artistique. Portrait. 

Un parcours transatlantique 

Le groupe OTB (qui détient Diesel, Maison Margiela, Jil Sander ou encore AMIRI) ne compte qu’une seule femme à la direction artistique d’une de ses marques majeures : Meryll Rogge, fraichement débarquée. Elle est également l’une des rares femmes à diriger une maison qu’elle n’a pas elle-même créée — un fait encore trop peu répandu dans l’industrie. Si elle reste peu connue du grand public, son travail est déjà amplement salué par la critique. Et pour cause : elle impose une vision libre du vêtement, pleine d’humour et de références artistiques. 

Diplômée de l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers, Meryll Rogge débute sa carrière à New York chez Marc Jacobs. Elle y fait ses armes avant de revenir en Europe pour rejoindre Dries Van Noten — l’un des célèbres « Six d’Anvers » — en tant que responsable du design des collections femme. Elle y affine son goût pour l’imprimé et le jeu subtil des contrastes. En parallèle, elle collabore aussi à la ligne beauté de Dries Van Noten, et affirme dans une interview à Vogue Business qu’elle aime « penser pour d’autres marques » : une façon de réfléchir la mode comme un dialogue.

En 2020, elle lance son propre label éponyme. Dès 2021, elle remporte le prix Emerging Talent of the Year aux Belgium Fashion Awards, puis celui de Designer of the Year en 2024 — devenant la première femme à recevoir cette distinction. En juin 2025, elle décroche le prestigieux Grand Prix de l’ANDAM, confirmant son statut de créatrice à suivre. Sa nomination à la direction artistique de Marni apparaît ainsi comme une consécration logique : elle vient couronner un parcours construit étape par étape, entre prix remarqués et reconnaissance par ses pairs — une ultime validation dans un secteur où ces passages symboliques, particulièrement en tant que femme, restent essentiels.

Un style signature 

Dans sa collection automne-hiver 2025, Meryll Rogge cite l’artiste Gordon Matta-Clark et un vieux magasin de papiers peints de sa ville natale, Gand, comme sources d’inspiration. Résultat : une garde-robe construite comme un collage vivant. Motifs floraux, carreaux, aplats turquoise, rouge, marron et violet — les couleurs et les imprimés s’entrechoquent dans des silhouettes vibrantes. Le travail du volume se fait via des nœuds, des superpositions et des découpes inattendues.

Une pièce intrigue particulièrement : un pantalon laissant apparaître ce qui se trouve en dessous grâce à une ouverture inversée, presque comme un tablier porté à l’envers. À travers ces effets de couches, la créatrice illustre le passage du temps — comme des papiers peints que l’on colle les uns sur les autres au fil des années. C’est aussi un clin d’œil à son engagement éco-responsable : elle travaille avec des fins de stocks et pratique l’upcycling. Une approche de la mode qui résonne pleinement avec celle de Marni, maison italienne attachée à une production raisonnée, locale, au sein de ses propres ateliers.

Quel futur pour Marni ? 

Marni traverse une période charnière. Bien qu’en progression, la marque peine à rivaliser avec les autres maisons du groupe OTB, notamment Maison Margiela ou Diesel, en pleine ascension. Fondée en 1994, Marni s’est pourtant rapidement imposée à l’international, avec des boutiques transformées en galeries ou résidences d’artistes, bien loin du retail classique.

Marni, c’est un terrain de jeu : pour les artistes, pour les stylistes, mais aussi pour les clients. Une maison à l’identité forte, nourrie de références à l’enfance, de couleurs franches et d’un savoir-faire italien reconnu. L’arrivée de Meryll Rogge promet de raviver cette flamme avec une approche ludique du vêtement. Une direction artistique qui semble taillée pour cette maison iconoclaste. Affaire à suivre…

Article de Julie Boone