Cette basket compensée va-t-elle (vraiment) reconquérir notre coeur ? 

Sep 8, 2025 | Brands, Culture, Fashion

Reléguée aux années 2010, moquée, oubliée… et pourtant, la basket compensée fait un retour aussi inattendu que fracassant. Nouvelle lubie passagère ou réhabilitation pérenne ? Une chose est sûre : elle ne laisse personne indifférent. Zoom sur ce come-back qui divise, les marques qui la remettent en lumière – à commencer par Isabel Marant – et les façons de l’adopter (ou pas) en 2025.

Difficile de parler de basket compensée sans mentionner le modèle Bekett d’Isabel Marant. Icône d’une époque, elle s’est écoulée à plus de 200 000 exemplaires et a conquis les dressings des It Girls du moment. Beyoncé l’arbore dans le clip de Love On Top, A$AP Rocky la cite dans Fashion Killa (2013), au même titre que Dior ou Goyard. Rien que ça.

Un retour qui divise 

À l’image de la robe Hervé Léger, la sneaker compensée transporte avec elle tout un imaginaire early 2010s : selfies à grand renfort de filtres Retrica, jeans super skinny, et sac Céline Luggage. Et pourtant, selon l’Index Lyst, les recherches autour de cette basket ont explosé de +630 % au deuxième trimestre. Elle figure désormais parmi les 10 articles les plus recherchés, aux côtés de pièces tout aussi controversées comme les tongs The Row, les Vibram FiveFingers, ou encore les mocassins en suédine Miu Miu.

Isabel Marant n’en est pas à son premier revival : en 2021, elle lance les Balskee, une version plus chunky et sportive. Résultat mitigé. Mais depuis l’an dernier, le come-back semble bien se faire. La marque sort de nouveau la Bekett et collabore même avec Converse sur une Chuck Taylor compensée (190 €), bien plus abordable que la Bekett (590 €) ou la Balskee (495 €).

Une réhabilitation sur les réseaux sociaux 

Cette réhabilitation ne s’opère pas uniquement sur le catwalk durant les Fashion Week parisiennes : les réseaux sociaux jouent un rôle moteur. Sur TikTok et Instagram, les vidéos « 2010s revival » se multiplient. Les créatrices de contenu comme Marie Gaguech, MV Tiangue ou Rubi Pigeon adoptent la basket compensée dans des looks volontairement nostalgiques, mêlant jean flare taille basse, tops Y2K et gros bracelets. Leur posture ? Une sorte de réappropriation ironique, mais sincère, d’un pan de mode que l’on a trop vite jugé cringe.

Le phénomène touche même la Gen Z, qui n’a parfois jamais porté cette chaussure à l’époque de son pic de popularité. Pour elle, la Bekett devient un objet vintage désirable. Une nouvelle preuve que la mode est un éternel recommencement, mais qu’elle aime surtout jouer avec ses propres paradoxes.

La seconde-main pour satisfaire son inner teenager

Si l’on doutait encore du retour de la basket compensée, un coup d’œil aux plateformes de seconde main suffit à confirmer l’engouement. Qu’elles soient signées Isabel Marant, Ash, ou issues de marques plus confidentielles comme Steve Madden, ces paires s’arrachent sur Vinted, Vestiaire Collective, Depop ou même Leboncoin.

Et ce n’est pas qu’une question de budget – même si l’aspect économique joue un rôle évident. À 590 € pour la Bekett neuve et près de 500 € pour les Balskee, ces modèles restent peu accessibles. La seconde main devient alors un moyen de satisfaire un fantasme d’achat inassouvi, parfois vieux de dix ans. Pour beaucoup, c’est l’occasion de réparer une frustration adolescente : celle de n’avoir jamais pu mettre la main sur LA paire convoitée à l’époque.

Mais au-delà de la nostalgie, ce retour par le vintage reflète aussi une évolution des mentalités. Acheter en seconde main n’est plus vu comme une solution de repli, mais comme un acte mode réfléchi et engagé. On valorise la pièce d’époque et son authenticité. C’est une manière de se réapproprier une tendance sans tomber dans le piège du neuf à tout prix, en inscrivant son geste dans une logique plus durable.

Reste à savoir si ce come-back tiendra dans la durée ou s’il s’essoufflera une fois la vague nostalgique passée. En attendant, il reflète une réalité : aujourd’hui, la mode ne cherche plus à effacer ses faux pas, elle les revendique désormais haut et fort. 

Article de Julie Boone