PFW : 3 marques qui repensent la mode masculine 

Juin 28, 2025 | Brands, Fashion

À l’occasion de cette Fashion Week parisienne, 3.Paradis, Wales Bonner et Blue Marble redéfinissent, chacun à leur manière, ce que peut être la mode masculine aujourd’hui. Traversées spirituelles, héritages culturels, récits intimes : chez ces trois marques, le vêtement dépasse le style pour devenir langage, terrain d’exploration identitaire et manifeste poétique.

Blue Marble : gravir sa montagne intérieure 

Pour sa collection Printemps-Été 2026, Anthony Alvarez convoque ses souvenirs d’enfance dans la région de Toulon. Un retour aux sources dans un paysage méditerranéen brumeux, où les modèles avancent sur un sol jonché de feuilles mortes, comme en pleine randonnée sensorielle.

Dès les premières silhouettes, le décor est planté : la montagne s’imprime en images sur les pantalons, tandis qu’un tee-shirt proclame « Beyond », véritable incitation à se dépasser. Une chemise annonce « Each path a hike » : chaque trajet est une ascension, un effort physique et symbolique.

Le vestiaire Blue Marble reprend des essentiels outdoor : denim oversize décliné en plusieurs lavages, imperméables XXL et sacs portés sous le bras. Les silhouettes s’accompagnent de chapeaux étranges constellés de pins, accessoires touristiques détournés qui migrent progressivement des couvre-chefs vers les torses comme une pluie de souvenirs.

Certaines pièces semblent presque cryptées, à l’image de messages volontairement illisibles brodés sur les vêtements. Ce n’est plus la destination qui compte, mais le chemin. La pièce forte ? Une chemise décorée d’une guirlande de fleurs, vestige poétique du feuillage traversé — ou comment garder une trace visible de l’effort accompli.

3. Paradis : la marche du rêveur 

Avec Steps to Nowhere, Emeric Tchatchoua propose une véritable traversée symbolique du désert. Les pieds dans le sable. Le désert, ici, est multiple : réel et fantasmé, aride et fertile, territoire d’introspection et de mirages. La palette de tons neutres et chauds, ponctuée de touches vives, épouse ce récit visuel. À mesure que les silhouettes avancent, les couleurs s’intensifient – comme des hallucinations – pour former des aplats fuchsia et orange. Le bleu indigo des Touaregs, fil conducteur de la collection, évoque à la fois la noblesse du voyage et le Petit Prince. Il inspire un couvre-chef hybride, entre chèche et casquette, condensé des influences nomades et urbaines.

L’illusion est au cœur du propos : boutonnières de travers, pantalons quadruplement ceinturés, trenchs à double col. Les montres migrent des poignets vers les imprimés, jusqu’à redevenir des objets à part entière, accrochées en grappes ou transformées en sacs.

La dernière silhouette, une vision tout en blanc, résonne comme une apparition — ou un mariage avec l’inconnu.

Le style 3.Paradis reste fidèle à ses fondamentaux : costumes aux volumes sculptés, oversize maîtrisé, cabas en cuir tressé XXL – portés comme des compagnons de route – et bien sûr, les colombes blanches floquées, emblèmes de paix et d’espérance, signature de la maison.

Wales Bonner : 10 ans de tailoring engagé

Grace Wales Bonner fête cette saison les dix ans de sa maison éponyme avec une collection empreinte d’hommages. Lauréate du Prix LVMH et désormais figure centrale de la mode contemporaine, la créatrice britannique défile au lycée Henri-IV, lieu de savoir et de transmission, parfait écrin pour son vestiaire érudit.

La collection Printemps-Été 2026, intitulée « Jewel », répond au thème du Met Gala « Superfine: Tailoring Black Style ». Une correspondance transatlantique toute trouvée pour la créatrice britannique, d’origine jamaïcaine, qui faisait d’ailleurs partie du comité de l’événement. 

Le style Wales Bonner continue de mêler les codes du dandysme, les silhouettes preppy et une élégance nourrie par différents héritages diasporiques. Mais cette saison, la ligne semble plus concentrée encore, plus intimiste. La créatrice parle même de « soulful clothing », un vêtement traversé par l’âme.

Les shorts – pièce centrale de la collection – oscillent entre décontraction estivale et rigueur du tailoring. Le vestiaire glisse ainsi d’un workwear raffiné à des silhouettes de soirée, sans jamais rompre son fil. Les années 60 et 70 sont convoquées, non pour rejouer une époque, mais pour en extraire les symboles : affirmation, beauté noire, libération des corps et des genres.

Chez 3.Paradis, Wales Bonner et Blue Marble, la mode masculine devient plus qu’un exercice de style : elle évoque des récits personnels comme des mémoires collectives. Ces trois collections dessinent des trajectoires singulières loin des dogmes virils ou des silhouettes standardisées. Un langage de l’intime qui affirme que le vêtement masculin peut, lui aussi, être le lieu d’une quête — de soi, des autres, du monde.

Article de Julie Boone.