À Roland-Garros, la mode ne se joue plus uniquement raquette en main. Dans les gradins comme sur le court, le style s’impose en revers gagnant. À mesure que le tennis s’affranchit de son image élitiste, le tournoi parisien s’affirme comme une scène de mode à part entière.
Longtemps considéré comme un bastion du classicisme bourgeois, les grands rendez-vous du tennis s’imposent peu à peu comme des laboratoires vestimentaires. À l’heure où les jeunes générations remixent le polo et la jupe plissée, le tournoi parisien incarne bien plus qu’un événement sportif : il devient un territoire prisé par les plus grandes marques. Dans les allées comme sur le court central, la silhouette du joueur et celle du spectateur se re-dessinent au fil des éditions — miroir d’une époque où le sport inspire les podiums et inversement.
Une élégance née dans les stations balnéaires du XXe siècle
Avant d’être un show mondial retransmis à la télévision, le tennis est d’abord un loisir réservé à l’aristocratie. Jusqu’au début du XXe siècle, on le pratique dans les villes balnéaires, dans les hôtels de luxe et les sporting clubs. La bienséance dicte encore les tenues : pantalons longs, chemises à col rigide, jupes couvrantes et corsets sont de mise.
Il faudra attendre les années 1920 pour que le tennis entre dans l’ère moderne. En France, une joueuse emblématique va faire basculer les codes : Suzanne Lenglen. Habillée par le couturier Jean Patou, elle impose les jupes courtes et plissées, les cardigans souples, le bandeau dans les cheveux. Elle incarne une nouvelle féminité sportive, libre, assumée, qui préfigure l’émancipation vestimentaire des athlètes.
Côté masculin, René Lacoste, Mousquetaire mythique, révolutionne l’uniforme avec l’invention de son fameux polo — plus léger, plus pratique, et orné d’un petit crocodile qui deviendra un symbole.
Les joueuses qui font bouger les lignes
Plus que leurs homologues masculins, les joueuses de tennis ont su faire du terrain un espace d’expression. Figure de proue de cette attitude assumée : Serena Williams. Durant toute sa carrière, son style n’a cessé de bousculer les conventions. En 2002, elle s’affiche en combinaison noire en simili-cuir. Deux ans plus tard, elle électrise les gradins avec une robe dos-nu fluo. En 2018, elle revient sur le court après son accouchement vêtue d’une combinaison noire moulante, pensée pour des raisons médicales… mais interdite par la suite par la Fédération Française de tennis.


Sa réponse, l’année suivante, est un véritable manifeste : un look Nike x Off-White sur lequel figurent les mots Mother, Champion et Queen. Son style rime avec performance, revendication et empowerment. Maria Sharapova, sa rivale la plus emblématique, s’illustre aussi par son élégance millimétrée. Tulle, marinières revisitées, robes drapées… Elle impose un raffinement plus classique mais tout aussi étudié.
Chez les hommes, la prise de risque est plus timide. Roger Federer, ambassadeur de la grâce sur le court comme dans ses tenues, s’appuie sur une sobriété d’orfèvre. Andy Roddick, lui, affiche une cool attitude qui contraste avec l’allure stricte d’un Novak Djokovic ou l’aura vintage d’un Fred Perry.
Roland-Garros, terre de mode
À mesure que le tennis écrit de nouveaux récits, Roland-Garros devient un terrain stratégique pour les marques. Lacoste l’a bien compris. En mars dernier, la maison au crocodile a transformé le court Suzanne-Lenglen en podium pour son défilé automne-hiver 2025.



Les invités, directement installés sur le court, y découvrent des sacs aux formes de jupes plissées, des silhouettes aux teintes sobres rehaussées de fuchsia ou de vert bouteille. Aux manettes : Pelagia Kolotouros, directrice de création venue du sportswear américain (The North Face notamment), qui brouille les genres et fait défiler les hommes en jupe-pantalon.
Le tennis-core, la tendance phare de l’été dernier
La tendance tennis-core s’est imposée comme l’un des grands courants de l’été dernier. Elle a trouvé un nouvel élan avec la sortie du film Challengers de Luca Guadagnino, dans lequel Zendaya incarne une championne redoutable. Habillée par Loewe pour la promotion du film, l’actrice a marqué les esprits avec une série de looks millimétrés dont une paire d’escarpins sertis d’une balle de tennis.
Plus qu’un simple tournoi du Grand Chelem, Roland-Garros est devenu un théâtre de style, où le sport et la mode dialoguent sans cesse. Loin du vestiaire figé d’antan, le court central s’affirme aujourd’hui comme une passerelle entre tradition et modernité, entre élégance et audace.
Article par Julie Boone.